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Le retour raté de Lotus en IndyCar et aux 500 milles d’Indianapolis en 1984

Le retour raté de Lotus en IndyCar et aux 500 milles d’Indianapolis en 1984

Lundi 5 avril 2021 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

En 1965, le constructeur britannique Lotus a remporté les 500 milles d’Indianapolis et a eu l’idée, 20 ans plus tard, d’effectuer un retour sur le fameux Brickyard, mais l’affaire ne s’est jamais concrétisée.

L’Écossais Jim Clark avait fait triompher la première voiture à moteur arrière, la Lotus 38-Ford, sur le superspeedway d’Indianapolis en 1965. Presqu’en même temps, un ancien coureur automobile américain, Roy Wilkelmann, fondait son écurie de course de Formule 2 et tissait des liens étroits avec Lotus et son patron, Colin Chapman.

Avançons dans le temps au début des années 80. Après quelques années passées loin du sport automobile, Wilkelmann s’y intéresse à nouveau avec la fondation de la nouvelle série CART (Championship Auto Racing Teams) qui gère la série IndyCar. Mais cet ex-agent de la CIA (paraît-il) ne veut pas faire comme les autres en se contentant d’acheter un châssis roulant provenant de March ou de Lola. Il désire inscrire un constructeur officiel et disposer de moteurs Cosworth DFX turbo d’usine.

C’est aussi à cette époque que Ferrari s’intéresse aussi à la série CART (pour faire plier la FIA en vérité) en produisant son modèle 637. Même l’écurie française Ligier inscrit une F1 modifiée pour courir en série CART.

Lotus à la technique, Wilkelmann au financement

En 1984, deux ans après le décès de Colin Chapman, Wilkelmann contacte Peter Warr du Team Lotus et présente son projet Indy au nouveau directeur technique, Gérard Ducarouge. La structure est simple : Lotus conçoit et fabrique les voitures tandis que Wilkelmann trouve le financement et les fait rouler en série CART.

Ducarouge assiste à une course CART en début de saison et en revient avec le livre de règlements. Toutefois, le Français en a plein les bras avec le développement de la Lotus 95T de Formule 1. Il refile donc le travail de design de cette Lotus 96T à Martin Ogilvie et Gene Varnier. Entre temps, Al Unser Junior est contacté pour piloter l’engin.

Cette 96T est donc une sorte 95T de F1 modifiée et renforcie. La monocoque est produite par Lotus, mais contrairement à celle de la 95T, le sandwich emprisonné entre les deux feuilles de fibre de carbone/Kelvar n’est pas du nid d’abeille en Nomex, mais en aluminium afin de mieux résister aux impacts contre les murs.

Dans une interview publiée dans le magazine britannique MotorSport, Varnier raconte : « Nous travaillions une semaine ou deux sur la 96T, puis une semaine ou deux sur la future 97T [de F1]. C'était une énorme quantité de travail pour une toute petite équipe de design. Le pire est que durant les deux premiers mois de travail, nous devions contacter des sous-traitants sans leur dévoiler ce sur quoi nous travaillions. »

Si un prototype de la 96T est évalué en soufflerie, c’est à ce moment-là que les choses commencent à se compliquer. Cosworth ne fournit pas directement de moteurs à Lotus, ce qui oblige l’équipe technique à emprunter des moteurs pour valider les étapes de fabrication de la voiture. Puis, des rumeurs commencent à circuler, affirmant que malgré toutes ses garanties, Wilkelmann ne trouve pas le financement nécessaire.

Puis, les dirigeants de la série CART et les propriétaires d’équipes commencent à s’inquiéter de l’arrivée d’une équipe d’usine dans une série qui favorise les petites écuries privées. CART s’alarme aussi de voir arriver des coûteux châssis en carbone au lieu des traditionnelles coques en aluminium.

Varnier précise que si la fibre de carbone résistait alors très bien à un premier impact, on n’en savait rien des chocs subséquents, car les carambolages étaient fréquents en série CART. Peter Warr est donc allé plaider la cause du carbone auprès des dirigeants de CART, mais rien n’y fit. En clair, CART ne voulait pas voir un Team Lotus officiel débarquer dans sa série.

Pour s’en assurer, CART a aussi changé son règlement technique pour la saison 1985 en interdisant les monocoques fabriquées à 100% de fibre de carbone. Désormais, les châssis en carbone devaient être recouverts d’une couche externe en aluminium. Puis, Winkelmann a perdu ses commanditaires et le projet fut abandonné. Al Unser Junior fut alors recruté par l’écurie de Doug Shierson.

Finalement peint aux fameuses couleurs "British Racing Green" et jaune, un seul exemplaire de la Lotus 96T a été assemblé et il demeure la propriété de Classic Team Lotus au Royaume-Uni. Selon les informations obtenues, la 96T n’a jamais roulé en piste.